Aéronautique Club de France

Centre d’Instruction aéronautique fondé en 1897

L’US Air Force est née en Seine et Marne

Ce texte a été écrit par Narayan Sengupta, historien américain, spécialiste de l’histoire de l’aviation militaire américaine durant la 1ère mondiale, à la Mémoire des dizaines de milliers d’Américains de l’United States Air Service, US Naval Aviation and US Marine Aviation qui combattirent en France pendant la première Guerre mondiale.

Le 28 juin 1918, six escadrilles Américaines de l’United States Air Service (USAS) arrivent en Seine-et-Marne. Elles sont placées à quelques kilomètres seulement les unes des autres. Ce ne sont pas n’importe quelles escadrilles Américaines, mais les premières et uniques escadrilles des forces aériennes des États-Unis au front, après l’Escadrille Lafayette.

Les six escadrilles sont scindées  en deux groupes. Le 1er Groupe d’Observation s’installe à Saints, à huit kilomètres au sud de Coulommiers et inclut les 1ère et 12ème escadrilles équipées de Salmson 2A2, avion de fabrication française considéré comme le meilleur avion d’observation des alliés. Ces escadrilles rejoignent la SAL.280, une escadrille française avec qui va elles vont coopérer temporairement.

L’autre groupe arrive à l’aérodrome de Touquin-Pezarches-Rigny-Ormeaux le même jour. C’est le 1er Groupe de Chasse, qui inclut les 27ème, 94ème, 95ème et 147ème escadrilles. Ces quatre escadrilles sont équipées de Nieuport 28, un avion de second rang à l’époque, mais représentant malgré tout l’apogée des évolutions techniques de la lignée des avions de chasse exceptionnels que furent les Nieuport et qui a commencé avec le Nieuport 11 « Bébé».

Chaque escadrille est composée d’au moins 250 officiers et personnel de soutien : mécaniciens, chauffeurs, messagers, cuisiniers, etc.. Chaque escadrille était composée de 18 avions ; donc pour les escadrilles de chasse, il y avait 18 pilotes, mais pour les escadrilles d’observation, équipés d’avions biplaces, il y avait 36 aviateurs.

Ces jeunes américains qui arrivent en France apparaissent aux yeux des Français grands, forts, exubérants et pleins d’espoir. Ils sont là pour aider la France à se défendre contre un ennemi qui ne lâche pas prise et aussi pour s’acquitter d’une dette qui remonte à la Révolution Américaine : « Lafayette, nous voilà » disent simplement les premiers militaires américains à Paris le 4 juillet 1917. Cette attitude sera celle de tous les américains par la suite. Ils veulent aider la France à gagner la guerre. Les français sont séduits par ces américains.

Le 8 juillet 1918, les escadrilles se déplacent. Les trois escadrilles d’observation quittent Saints. La SAL.280 va rejoindre un autre groupe Français et la 1ère et 12ème vont à Francheville, au nord-ouest de Coulommiers, pas loin de l’aérodrome actuel. Une autre escadrille américaine, la 88ème, vient remplacer la SAL.280.

Les 8 et 9 juillet, le 1er Groupe de Chasse quitte Touquin pour s’installer dans les villages de Saints et de Mauperthuis et occuper également la ferme des Aulnois, site du terrain d’aviation du même village. Il n’y restera que jusqu’au 1er septembre 1918. Pendant ce temps, le 1er groupe de chasse va cruellement souffrir en perdant 36 tués, blessés ou prisonniers – soit exactement la moitié de l’effectif de combat. Pour les américains, c’est le vrai baptême du feu contre un ennemi qui possède des as pour pilotes et des appareils très performants comme par exemple le Fokker D.VII. En contrepartie, les américains remportent 38 victoires contre les allemands.

Le symbole de l’effort Américain, c’est la famille de l’ancien Président Théodore Roosevelt qui a six enfants, plus deux par re-mariage, ce qui fait huit au total. Six d’entre eux vont participer à la guerre. La fille Ethel et son mari ainsi que la femme de Théodore Jr. vont servir la Croix Rouge à Paris. Les quatre garçons, Théodore Jr., Archie et Quentin viennent en France et le deuxième fils Kermit s’en va rejoindre les Forces Britanniques au Moyen Orient.

Quentin fait partie de l’USAS. Il arrive en France en mois d’août 1917 et rejoint le camp d’entraînement d’aviation d’Issoudun, la plus grand base aérienne du monde à l’époque. Theodore, Jr. et Archie sont enrôlés dans l’armée américaine. En Mars 1918, Archie est gravement blessé et mis hors de combat. Quentin veut participer au conflit. Le 10 juillet de la même année, il décolle de Saints et obtient sa 1ère victoire. Le soir du 13 juillet 1918, c’est lui qui organise un concert de jazz donné par les aviateurs Américains. L’événement se passe à Coulommiers et la Fête nationale se célèbre donc un jour à l’avance. Tragiquement, Quentin est tué  au combat le lendemain, le 14 juillet. Le 19, c’est son frère aîné Théodore Jr. qui est blessé. Les trois frères sont décorés de la Croix de Guerre.

C’est à Saints que le 1er Groupe de Chasse commence à recevoir le Spad XIII, le puissant avion de chasse français. Parmi les aviateurs américains qui sont à déjà Saints, on peut citer Eddie Rickenbacker, Frank Luke, Jimmy Meissner, Reed Chambers, Harold Hartney, Joe Wehner et d’autres encore qui étaient déjà les As de l’aviation américaine ou qui le deviendront par la suite. C’est autour d’eux que se construira l’histoire des premiers jours de l’Air Force Américaine.

L’As américain Edward Rickenbacker et son Spad XIII, avec l’insigne du 94th Aero Squadron

Aérodrome de Francheville. Photo prise en juillet 1918 (National Archives – Washington DC)

Le 22 juillet 1918, le 1er Groupe d’Observation quitte Francheville pour aller près de La Ferté- sous-Jouarre, à May-en-Multien et Coincy. Mais le 12 août, il retourne à Chailly-en-Brie pour dix jours avant de repartir le 22 pour Toul. Le 1er Groupe de Chasse quitte Saints le 1er septembre.

Le jour de l’Armistice du 11 novembre 1918, il y avait en France un total de 45 escadrilles de l’USAS au front et plus 8 escadrilles de l’US Naval et de l’US Marine. Il y avait en tout  environ 100 000 militaires américains faisant partie de l’aviation Américaine en Europe; la moitié d’entre eux étaient en France. Les hommes de l’USAS occupent 15 terrains d’aviation de combat, des dépôts d’aviation comme Orly (qui a été construit par les Américains) et plusieurs terrains d’entrainement (notamment Issoudun et Tours). L’US Naval a aussi 10 points d’attache en France d’où elle opère avec ses porte-avions assistés de dirigeables pour chasser les sous-marins ennemis.

Narayan Sengupta

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